Ötillö World Series Engadin 2017

Silvaplana, Swiss

par Jean-Nicolas

Engadin seconde édition, la Légende

par Jean-Nicolas

Après l’édition 2016, avec Stéphane, il nous semblait évident que l’on reviendrait à Silvaplana pour profiter encore une fois du magnifique cadre offert par la vallée d’Engadin. Forts de deux swimrun de préparation Yann et moi nous préparons à affronter notre premier World Series ensemble. Alex lui se prépare pour son premier swimrun tout court, l’entrainement n’est pas utile quand on a le talent ! Et surtout la chance de pouvoir profiter de l’expérience de Stéphane. Comme l’année passée nous avions décidé d’arriver le jeudi pour prendre le temps de s’acclimater à l’altitude et à la température des lacs. Le premier contact d’Alex avec l’eau froide était le moment le plus attendu du début de séjour. Il a posé le cerveau et a foncé, nous étions un peu déçus, tout s’est passé trop vite !

Le parcours ayant été modifié, nous avons été reconnaitre la plus grosse nouveauté. Une nouvelle bosse à la fin remplace désormais la natation dans le lac de Saint Moritz. Même en faisant la reconnaissance à pied, nous avons quelques difficultés. Il y a même un peu de bluff entre nous pour cacher sa vraie forme avant la course, Stéphane et moi étant constamment devant en marchant vite tandis qu’Alex et Yann prennent leur temps derrière. La montée est exigeante, les sentiers ne sont pas difficiles mais le dénivelé se fait bien sentir. Arrivés en haut, nous découvrons un panorama magnifique sur la vallée, c’est notre récompense de la journée.

Ça tombe bien parce que la reconnaissance commençait à être un peu longue pour Charlotte et Pauline nos deux supportrices ayant fait le déplacement. Après une petite pause pour profiter des paysages magnifiques, nous entamons la descente et nous nous rendons qu’elle ne sera pas facile car étroite et caillouteuse. Avec la fatigue de la fin de course nous ne serons doute pas très rapide. Nous prenons également le temps d’aller reconnaître le départ de la course et je peux enfin voir la fameuse planche qui a manqué de m’assommer en 2016. Effectivement entre les deux maisons, il y a bien une planche de bois à hauteur d’homme et je me demande bien comment j’ai fait pour ne pas la voir. Vient alors l’heure du briefing que nous suivons consciencieusement avant de rentrer pour les derniers préparatifs.

Comme d’habitude, le sommeil est un peu dur à trouver la veille de la course et la nuit est un peu courte. Il est déjà l’heure d’aller prendre le bus direction la ligne de départ. Il fait un peu gris, le soleil n’est pas encore là. C’est très bien, je me souviens d’avoir souffert de la chaleur dès la première heure l’année passée. Dans le sas de départ, premier pépin pour Alex qui bloque la fermeture éclair de sa combinaison et doit faire une réparation à la va vite (mais qui tiendra jusqu’à l’arrivée). A noter que cette année, la boucle de la première bosse est inversée par rapport à l’année dernière. Nous devrions donc profiter de chemins plus larges au début de la course et ça se vérifie effectivement.

Pas de goulot d’étranglement dès le 2è kilomètre ce qui est plutôt plaisant. Dès les premiers pourcentages, Yann ralenti un peu et nous gérons notre allure. Nous n’apercevons bientôt plus Stéphane et Alex. Nous franchissons le premier lac sans difficulté, les conditions sont très bonnes. Le temps couvert permet de ne pas avoir trop chaud sur la course à pied et la température de l’eau dans les lacs est aux alentours de 14 donc largement acceptable. Après le premier lac, nous montons cette fois sur un chemin très serré et nous essayons de nous frayer un passage au milieu d’une file ininterrompue de concurrents. Yann n’est pas au mieux et à peine la première heure de course passé, il m’annonce « je ne sais pas si je vais pouvoir aller au bout ». Hors de question pour moi d’envisager l’abandon un seul instant.



Je le laisse donner le tempo de la course en gardant un œil sur les cutoffs mais nous ne sommes pas si mal finalement. La descente est bienvenue et malgré quelques alertes sur certains appuis, nous finissons tranquillement. Le premier ravitaillement permet de recharger un peu les batteries, nous prenons le temps nécessaire pour récupérer un petit peu. Nous attaquons alors la deuxième bosse et je sens que Yann est vraiment dans le dur physiquement et que psychologiquement il commence à douter. C’est le moment de ne rien lâcher et je l’assiste du mieux que je peux. Nous finissons par passer cette deuxième bosse non sans mal et sur le plateau dans un chemin bien large, Yann fait une grosse chute que je n’ai absolument pas vu venir tant le terrain ne présentait aucune difficulté apparente. Lui non plus ne l’explique pas, sans doute a-t-il voulu éviter un escargot qui traversait sans lumière ! Le sol un peu meuble et l’herbe ont bien amorti la chute et Yann s’en sort avec les coudes un peu égratignés.

Nous continuons sur la descente qui nous amène au premier gros tronçon de natation au bout duquel nous devrions voir nos supporters pour la première fois depuis le début de la course. Sur ce 800m dans l’eau, tout va bien pour Yann qui a les bras qui tournent et prend mes pieds sans problème. Sur terre par contre c’est plus dur et nous sommes toujours dans la gestion pour essayer de garder le plus de force pour rallier l’arrivée. Croiser Charlotte à la sortie de l’eau lui fait du bien au moral mais physiquement il n’est pas au mieux alors nous composons comme nous pouvons dans la 3è difficulté. Les filles nous ont annoncé que Stéphane et Alex ont une vingtaine de minutes d’avance.

Au fond de moi j’espère que Yann aura le même sursaut d’énergie à la fin de la course que lors du swimrun d’Angers et que nous pourrons essayer de les rattraper. En attendant nous sommes toujours en souffrance dans la 3è difficulté et à force de devoir contrôler mon allure, je commence moi aussi à avoir les cuisses qui chauffent. Le ciel s’assombrit brusquement devant nous alors que nous finissons la descente et partons sur une nouvelle natation d’un peu moins de 1000m. Au loin nous apercevons un rideau de pluie avancer vers nous et la pluie commence à tomber. Nous ne savons pas trop à quelle sauce nous allons être mangé mais non avançons rapidement dans l’eau. Nous arrivons alors sur la partie roulante au niveau de Surlej avant la grosse partie de natation de 1400m. Les filles sont là en vélo pour nous encourager.

Je vois alors que Yann est incapable d’accélérer sur le plat donc nous gérons de nouveau pour arriver sur le ravitaillement. Là le ciel se déchaine, un orage s’abat sur nous, le tonnerre gronde et les éclairs tombent on ne sait trop où. Il fait alors très froid dans la zone de ravitaillement en plein vent. Nous décidons d’écourter le ravitaillement pour partir sur la natation. Rapidement le mur de pluie nous enveloppe et impossible de voir à plus de deux mètres. Je ne sais pas trop où je vais, j’essaie de faire au mieux pour la direction. Yann est là, nous restons compacts dans l’eau, c’est nécessaire au vue des conditions. Soudain la bouée de mi-parcours apparait devant moi, ma prise de cap n’est pas si mauvaise.

Seulement une fois que nous l’avons passé, impossible de voir la rive en face de nous. Encore une fois on fait comme on peut, peu après 1000m dans l’eau un bateau de l’organisation s’approche et nous ordonne de sortir le plus vite possible de l’eau. Nous nous exécutons tant bien que mal, gros virage à droite et tout droit vers la rive. Pas de sortie possible dans les cailloux où nous arrivons, nous sortons tant bien que mal au milieu des branches et des roseaux. C’est un peu la pagaille, nous nous faisons doubler par des binômes qui n’ont pas fait la natation et ont contourné le lac en courant. Fini la natation pour cette course, l’orage ayant poussé l’organisation à annuler les derniers 400m de natation pour les premiers, personnes ne les fera derrière. Nous sommes donc au milieu d’un orage où on nous a demandé de sortir de l’eau pour aller courir sous les sapins. Nous ne comprenons pas tout mais on ne cherche pas à comprendre et on attaque la dernière difficulté de la journée. Le froid, la pluie et la fatigue nous incite à la prudence dans la montée où de toute façon nous n’aurions sans doute pas pu aller plus vite.

A mi montée, l’orage est fini et le soleil fait son apparition, la température corporelle remonte un peu. Ce qui n’est pas pour me déplaire. Après l’épisode de l’orage, Yann est au plus mal physiquement et il faut que je fasse appel à tous les ressorts psychologiques que j’ai sous la main pour qu’il ne lâche pas psychologiquement. Cela fait presque 7h que nous sommes partis et je lui propose un challenge : « allez on finit sous les 8h ». Dans la descente, comme prévu, nous n’avançons pas vite pour éviter les chutes. Nous arrivons sur le plat et il ne reste plus que 3km pour rallier l’arrivée. Il est encore possible de faire sous les 8h mais Yann est désormais au bout de sa vie et je lui parle sans discontinuer en fixant des micro objectifs tous les 200m pour ne pas que l’on s’arrête. Finalement nous finissons en 7h59 au terme d’une course légendaire qui nous aura poussé dans nos retranchements et qui aura vu Stéphane et Alex finir devant nous au plus grand bonheur de Stéphane qui nous avouera que c’était son objectif d’avant course. Ce qui est sûr c’est que Yann et moi nous souviendrons longtemps de cette course et de cette bataille avec nous-même pour aller au bout.

Nous retiendrons également que les petits nouveaux n’ont pas été dégoutés par la course et qu’ils en redemandent, ce qui est de bon augure pour la suite !